Vous allez fréquenter dans les mois qui viennent des aérodromes dont les pistes en herbe seront grasses, détrempées voire enneigées.
Il existe une technique de décollage adaptée à cette situation qui nécessite un doigté précis. Tout décollage est précédé de son indispensable phase d’accélération sur la piste. Nous allons voir que la technique d’accélération va différer selon la nature du sol. Pour que le pilote parvienne à accélérer le plus rapidement possible, l’arbitrage va être le suivant : Privilégier la portance (accompagnée malheureusement de sa traînée) ou privilégier les forces de frottement générées par le contact des roues avec le sol.
Train tricycle : On laisse habituellement accélérer l’avion en attendant la vitesse de rotation en affichant l’assiette nulle. La vitesse augmentant au cours de l’accélération, il faut même progressivement pousser légèrement sur le manche pour que l’avion reste plaqué au sol surtout s’il est centré arrière. En faisant ainsi, on cherche à privilégier l’accélération en minimisant la traînée induite par une assiette trop cabrée génératrice de portance. En minimisant la portance, l’avion pèse de tout son poids sur le sol jusqu’à la vitesse de rotation. C’est là le but recherché : les forces de frottement au sol n’étant pas très importantes (les pneus roulent sur du bitume) on les privilégie donc pour faciliter l’accélération.
Train classique : La philosophie est la même : pour l’accélération, on choisit de minimiser la traînée aérodynamique en positionnant l’avion en ligne de vol lors de l’accélération : à ½ de la valeur de la vitesse de décrochage environ, on pousse sur le manche pour passer de l’assiette cabrée trois points (assiette de roulage) à l’assiette de vol en palier. L’accélération va se poursuivre ainsi en maintenant l’avion en ligne de vol pendant le roulage sur la piste.
Si vous utilisez cette technique de décollage sur un terrain gras ou détrempé. Vous courrez à la catastrophe. L’avion va accélérer un peu plus lentement (mais suffisamment pour ne pas vous interpeller) jusqu’à une vitesse proche de la vitesse de rotation puis soudainement stagner en vitesse. Pour un avion à train tricycle, le train avant « laboure » le sol, pour un train classique le passage en ligne de vol se termine généralement par une mise en pylône au meilleur des cas. Lorsque vous vous rendez compte de la situation, il est souvent trop tard : le seuil de piste arrive, où vous en êtes assez loin mais le freinage sera inefficace car les roues vont glisser. Le résultat sera le même : vous aller sortir en bout de piste à une vitesse trop faible pour décoller, mais suffisamment élevée avec les conséquences fâcheuses que cela implique s’il y a des obstacles.
Train tricycle : Lors du décollage terrain mou il va falloir soulager l’avion des forces de frottement au sol qui freinent l’accélération. La solution est à l’inverse de la technique de décollage sur piste en dur. Il va donc falloir soulager au maximum le poids de l’avion sur ses roues, créer le plus rapidement possible la portance qui s’opposera au poids au fur et à mesure de l’accélération. Il convient de s’aligner en bout de piste sans s’arrêter sous peine de rester embourbé. Le manche doit être tenu à fond en arrière, pleins gaz appliqués, le souffle hélicoïdal plaque alors la profondeur vers le sol, l’avion se cabre dès les premiers mètres de roulage, le capot monte. Dès que le capot arrive légèrement en dessous de la position de l’assiette de montée : bloquer cette assiette. La roue avant est alors en l’air à quelques centimètres du sol, l’accélération se poursuit puisque seul le train principal est maintenant en contact avec la piste. Mais l’avion est au second régime de vol, aux grands angles d’incidence, il va mettre du temps à surmonter le frein aérodynamique que sa posture cabrée génère. Il faut pourtant tenir cette assiette cabrée avec beaucoup de précision : Si l’assiette est trop cabrée, la traînée aérodynamique sera trop forte et l’avion n’accélèrera jamais. Si l’assiette est trop faible, la roue avant reposera à nouveau dans l’herbe boueuse et freinera l’avion. Le pilotage doit donc être très précis. L’assiette salvatrice doit être impérativement tenue. Peu à peu l’avion accélère, il faut rendre la main (relation incidence vitesse pour conserver scrupuleusement cette assiette). L’accélération se poursuit car les roues du train principal sortent petit à petit de leur enfoncement dans la boue, l’avion de plus en plus sustenté pèse de moins en moins sur le sol. L’avion va décoller tout seul à une vitesse très voisine de celle du décrochage, bien en deçà de la vitesse de rotation du décollage normal. Ne surtout pas tenter de poursuivre la montée comme d’ordinaire en conservant l’assiette cabrée : l’avion étant toujours au second régime, aux grands angles d’incidence, il risque de décrocher. Il faut au contraire l’empêcher de monter et le laisser accélérer près du sol pour gagner en vitesse et diminuer son incidence sous peine de ne pas sortir du second régime et de décrocher. Rendre la main immédiatement mais doucement pour effectuer un palier d’accélération en bénéficiant de « l’effet de sol »(à moins d’un mètre de hauteur), jusqu’à la vitesse de montée initiale. Entamer ensuite la montée en toute sécurité.
Train classique : Pendant l’accélération au sol il faut tenir l’avion en assiette de roulage voire assiette de montée si l’assiette trois points est trop importante (quelques avions anciens), jusqu’à ce qu’il décolle, et rendre la main ensuite pour le laisser accélérer en effet de sol jusqu’à la vitesse de montée initiale comme expliqué précédemment.
Le but étant de se libérer du sol sur la distance la plus courte possible, de créer la sustentation au plus tôt, utiliser le braquage de volets maximum autorisé pour le décollage (voir procédures du manuel de vol), en gardant bien à l’esprit que la pente de montée initiale sera d’autant plus dégradée. Retenir qu’un terrain gras ou enneigé augmente la distance de décollage de 25% environ, que des carénages de roues remplis de boue ou de neige fondante freinent les roues et augmentent la masse à vide de l’avion « du poids d’un homme ». Attention, ce genre de procédure particulière ne s’improvise pas. Là encore l’entraînement avec un instructeur s’avère indispensable pour œuvrer par la suite en toute sécurité.
Sébastien Hugault