Si, si ! Il m’arrive parfois de lâcher mon ordinateur pour aller m’adonner aux joies du maniement du manche à balai.
Parfois aussi de l’aspirateur mais ça, c’est une autre histoire. C’était un matin d’automne où la nature arborait ses plus belles couleurs. Alain Girard nous avait si gentiment invité, la veille, profitant de notre état euphorique qui ne souffre aucun refus, à venir balayer le hangar du Coffre à Jouets avant une visite de la Nomenklatura Dégéhacienne.
Tôt levés, Alain Hugault et moi-même, arrivons aux portes du Hangar. Nous sortons les machines, mettons de l’ordre et entamons une longue séance de balayage en chœur. Un véritable ballet de balais sur une chorégraphie magnifiquement orchestrée par Alain. Lequel des deux ? Je vous laisse deviner.
Au bout de quelques heures d’un dur labeur digne d’un roman de Zola, le hangar brille (c’est beaucoup dire...) plus un grain de poussière ou de poil de Q de Broussard ne traine au sol (j’exagère un peu, mais bon...) et les jouets sont rangés. Tous ? Non !
L’Alouette II est restée dehors car Alain Girard souhaite la faire voler et me propose un tour d’Alouette II. Autrement dit, aller manier un autre manche à balai ! Inutile de préciser que je ne me suis pas fait prier. Et à peine la proposition d’Alain faite, j’étais déjà installé et sanglé dans l’Alouette II. En place gauche. Chouette ! Oui, mais sur les hélicoptères de conception française, le pilote est en place droite. Va savoir pourquoi. Qu’importe : l’essentiel est de voler.
Alain procède à la mise en route et la turbine entame son sifflement avant de stabiliser sa mélopée sur un La#. (Bon, sur le La#, je suis pas sûr. C’est peut être un Si b.) Le rotor se met à tourner, la machine vibre au rythme du passage des pales. Je suis un dans un film de Coppola. Et c’est parti. Alain lève la poignée du couple collectif et l’Alouette s’élève. Elle se dandine, balance un peu. Poussée en avant sur le manche, l’Alouette bascule vers l’avant et prend de la vitesse.
Nous sommes partis. Alain me confie les commandes. Je suis heureux. Mais pas fier. La machine est sensible. Très sensible. C’est une fleur aux pétales tournantes qu’il faut manier avec délicatesse, une précaution d’orfèvre. Pas question de balancer virilement du manche comme en avion. Non, tout se fait dans la surface d’une pièce de 2 euros. (Environ 13 francs pour les anciens...) Tout est finesse, légèreté, calme et volupté. Exercice de virages. J’ai la sensation de tourner dans un mouchoir de poche, en plus petit.
L’Alouette est docile, compréhensive face à mes gestes d’éléphant qui n’est jamais entré dans un magasin de porcelaine.
Retour à proximité du sol pour des exercices de précision. Alain, particulièrement pédagogue, me montre ce qu’il faut faire. Je m’y essaie, peu confiant. Mais Alain me rassure : ça n’est pas si compliqué. C’est une nouvelle langue, une nouvelle conjugaison entre le verbe palonnier et l’auxiliaire manche. Mais le manche, dans l’histoire, c’est moi. Reprise de hauteur, balade autour de Prin. Mes virages sont un peu plus précis, je sens davantage les choses. C’est pas le Vietnam c’est le Poit’Nam. Nous revenons à Prin Air Force Base. Alain reprend les commandes pour atterrir et nous nous posons dos au hangar ce qui facilitera son rangement. Belle expérience, beau moment.
Bon. J’ai déjà mon PPL(A). Si vous ne savez pas quoi m’offrir pour mon anniversaire prochain, je suis sûr qu’après m’avoir lu, vous avez une p’tite idée... Pour conclure, je remercie chaleureusement Alain pour ce moment magique.
Bons vols à tous,
Christophe.
PS: Si quelqu’un peut m’expliquer pourquoi le pilote est à droite sur les hélicoptères français et à gauche sur les hélicoptères américains, je lui offre un tour d’ordinateur. Et pas question de me raconter que c’est un héritage de la chevalerie.