Les Portraits

Des Avions et des Hommes

Une association ne peut exister sans la participation active d'Hommes et de Femmes passionnés. Pilotes ou non, professionnels ou amateurs éclairés, tous et toutes participent à la sauvegarde de ce patrimoine aéronautique hors du commun. Retrouvez dans cette rubrique quelques portraits de ces passionnés de l'Aviation de Brousse.

Rassemblement de Broussard : les belles valeurs de l'aviation

Rassemblement Broussard: les belles valeurs de l’aviation.

Voici le plan initial au soir du jeudi 5 septembre 2024,

Le vendredi 6 au matin , « Echo Novembre » le Broussard de Georges, basé à Merville dans un vieil hangar de la luftwaffe, est supposé faire route au sud dès potron minet afin de déjeuner à Couhé-Vérac point de départ de la vadrouille.
Il s’agit en effet pour « Echo Novembre » et l’ensemble du dispositif de rallier Pouilly en Auxois Samedi matin où se tient le rassemblement de Broussard et le meeting aérien associé tout le week-end.

« Echo Novembre » doit se joindre aux moyens techniques, à savoir un Van chargé des produits de la boutique de l’Asab, « Alpha Charlie » le Broussard des deux Alain et « Romeo Papa » le DR400 Chevalier de l’aéroclub.

L’idée pour les 3 avions et le camion est d’effectuer le Couhé- Pouilly en faisant escale à Chateauneuf sur Cher pour le casse croûte du midi, intervertir conducteurs pilotes et passagers. Passer le week-end à Pouilly puis repartir dimanche en fin d’après midi vers les points de départs respectifs. Couhé et Lille!

Vendredi Matin Lille, 7h00 locales.
La météo est particulière et peu commune.
Elle le sera pour tout le week-end.
Deux fronts occlus arrosent respectivement la région Bordelaise et Lilloise.
Temps gris plafond bas. Nous affinons la préparation. Il fera beau vers le sud après Abbeville et nous pourrons décoller de Merville vers midi. Vol sans encombre avec surveillance des Monts de l’Artois encore accrochés de quelques stratus déchirés, notre seul obstacle naturel sur cette route que nous franchissons en intercouche avec une belle réserve d’altitude.
Le vol de 3h00 s’achève par un passage basse altitude sur le terrain de Couhé. salués par la BGTA présente sur l'aérodrome.

Notre fidèle « Alpha Charlie » a ensuite rejoint le Broussard à robe grise sur le parking de Couhé ce fût l’heure de remplir les réservoirs pour l’expédition du lendemain.

Nuit calme comme la tisane, à la suite d’un excellent repas au restaurant les Drôles de Blanzay et un passage digestif au Prieuré.

Jour J.
Henry et Magali sont déjà sur la route avec le Van boutique en direction de Châteauneuf sur Cher.
Au Prieuré, nous décidons de faire une analyse météo fine car c’est assez moche. Un front froid droit « comme un i »orienté Nord Sud avance comme un escargot vers l’est, il nous barre la route. Il remonte à 30kts vers le nord mais s’étend depuis les Pyrénées.
Départ reporté.
A 10h45 locales l’armada Aérienne commence à décoller de Couhé sous un ciel ensoleillé pour faire route vers le Berry, Châteauneuf se situant au véritable centre géographique de la France.
Le rôle de l’ouvreur est confié à « Romeo Papa ». A bord du Robin blanc et bleu métal, Papa, Jean et Danielle décollent 5 grosses minutes avant tout le monde.
Il est convenu que les avions communiqueront entre eux sur la fréquence de Couhé pour le trajet.
Dans « Alpha Charlie » on trouve votre narrateur, Gaelle, Nils et Mathis.
« Echo Novembre » emboite le pas avec Georges et Yves.

Cap à l’Est!

Les conditions sont idéales pour le départ nous volons à 2000ft en ciel clair et ensoleillé mais à mi chemin il va falloir trouver une voie pour passer ce front nuageux que l’on distingue déjà bien sur l’horizon. Le vol doit durer 1h00.
Juste après le front c’est Châteauneuf, notre escale repas. Pour la deuxième étape vers Pouilly, c’est CAVOK sur Dijon, on l’a vu sur le radar et sur les cartes météo.

« Romeo Papa » cherche l’ouverture à travers le front. Il annonce descendre et obliquer un peu plus vers le nord.
Les échanges entre avions et les communications avec le contrôle aérien nous font comprendre que c’est bien bouché. Je n’ai pas envie que les deux broussards moins bien équipés se retrouvent en basse altitude nous sommes moins maneuvrants et à deux sans se voir, je prend la météo d’Avord, tout proche de Chàteauneuf.
Few 600 ft c’est rien , BKN 6800 ft c’est haut, et plus loin il fait beau. Nous avons plein de carburant au pire on ira plus loin, on monte!
Georges emboite le pas sur une route parallèle plus haut nord, gaz ouverts à 105Pz hélice à 2000tr la lente escalade commence et nous amène à 5000 pieds bien au soleil au dessus d’une mer immaculée de nuages stratiformes. Un énorme cumulonimbus noircit tout le sud de notre route.

Pour « Roméo Papa » c’est moins fun. Il doit éviter une zone interdite dans la poisse et le contrôle aérien n’est pas très coopératif.  Je sens que le père galère a tenter de rejoindre Chateauneuf. Ça ne passe pas. Il arrête les frais en faisant escale à Châteauroux sous la flotte.

Pour les Broussard, La chance nous sourit
, 10 minutes avant l’arrivée, l’aspect des nuages change. On arrive en limite de front. Des petites têtes cumuliformes pointent de la couche lisse. Bientôt des petits trous nous permettent de voir le sol nous restons à 5000ft au cas où, et ça nous permet de voir loin.

Arrivé pile à la verticale de la piste de Châteauneuf sur Cher, les stratus se déchirent on voit distinctement la piste. Je plonge pour une reconnaissance basse altitude du terrain à 150 kts.
Intégration rapide, atterrissage. Georges me suit à 5 minutes.

Il n’y a personne à part le camion d’Henri, bien arrivé après 3h de route en compagnie de Magalie. Chateauneuf sur Cher c’est une piste en herbe un petit hangar et un club house, mais à peine posés une dame et un barbu arrivent vers nous. Vous avez eu un problème? on a vu un Broussard sur la tranche? Et juste avant il ne faisait pas beau!

Non tout va bien on aimerai juste faire escale pour déjeuner.
Le Barbu c’est Olivier, discret et humble comme on aime. C’est le Président du club. Un ancien de l’armée de l’air, instructeur et pilote à Moulins dans une entreprise qui fait de l’imagerie aérienne. Nathalie c’est sa compagne elle est responsable du secteur développement durable/Biodiversité à La FFA.
Des gens adorables qui nous ouvrent les bras.
On mange tous au club partageant nos denrées.

Pour « Roméo Papa » la loi de l’emmerdement maximum continue. A peine posés, la BGTA entoure l’avion et fait un contrôle des plus poussés, papiers avion, licences pilote, test d’alcoolémie,et stupéfiants
Bienvenue à Châteauroux.

Nous correspondons en direct via un groupe Whatsapp. Les photos d’eux trois en gilet jaune entrain de manger leur sandwich dans le terminal tranchent avec l’ambiance dans le club.

La météo se dégrade et la remontée du front froid est plus importante que prévu. La route ne sera dégagée que vers 18h00 jusqu’à Pouilly. Il tombe des cordes en continu tout l’après midi décidément puis l’éclaircie arrive enfin.

« Romeo Papa » nous demande une image radar il va tenter de rejoindre Pouilly. Visiblement en remontant vers le Nord il y aurait un passage vers Cosne-sur-Loire pour redescendre vers Pouilly ensuite.

Henri et Nils reprennent la route pour Pouilly, ne sachant pas qu’ils seront finalement seuls jusqu’a dimanche midi.
Magali sera passagère sur « Alpha Charlie »

Le ciel bleu arrive enfin sur Châteauneuf, la marge sud du front continue sa remontée vers le nord. On va y aller!
La mise en route du Broussard Alpha Charlie est un peu difficile mais le neuf cylindres en étoile finit par ronronner. Soudainement la tuyauterie de frein cède au niveau du maître cylindre dans le cockpit et m’asperge le pantalon de liquide hydraulique.
Plus de freins sur la roue gauche, nous sommes refaits.

Alain notre mécano intergalactique a la solution. Il arrivera demain matin a l’aube avec le Cessna, Cyril, la caisse à clou, des pièces, et un groupe de parc au cas où.

Décision est prise de rester tous les 6 ensemble à Châteauneuf.
Il va falloir trouver un hôtel pour la nuit, un endroit pour manger, et pouvoir se faire véhiculer au sein de cette campagne la moins peuplée de France.
Olivier et Nathalie sont aux petits soins.
Trois chambres sont disponibles dans l’hôtel des tilleuls à 15 km. Et nous mangerons ensemble dans la crèperie d’un village tenue par un membre du club, 15km plus loin également.

Pas le choix, il faut embarquer à 7 dans le pick-up d’Olivier, rires et chevauchement des postérieurs pour les 5 larons assis derrière.

Après avoir récupèré nos clés de chambre toujours à 7 dans l’auto, nous rejoignons Nathalie au domicile conjugal. L’équipe se scinde dans les deux véhicules et nous voici partis diner en respect cette fois avec les règles de la sécurité routière et du code des assurances.

Nathalie m’annonce qu’elle me laissera sa clio pour faire la navette demain matin depuis l’hotel vers le club.
Nous ne nous connaissons que depuis quelques heures! Gentillesse et bonté de ces deux là!

Nous dinons sous des Halles qui pourraient ressembler à celles de Couhé, Les crêpes sont excellentes et l’apéritif local cidre-calva dont j’ai perdu le nom fait l’unanimité.

Mais Quid de « Romeo Papa »?
A la suite de notre panne de freins nous avons contactés l’équipage du Robin pour faire part de notre décision de rester dormir sur Châteauneuf et attendre l’intervention de la maintenance d’urgence au matin.
Nous pensions que Romeo Papa et ses passagers étaient bien arrivés sur Pouilly.
Négatif!
Le Robin a retenté de passer par nord en contournant le front par son extrémité mais ce dernier s’était étendu plus loin que prévu sur plus de 100km infranchissables. Ce n’est qu’au sud de la région parisienne, sur le terrain de vol à voile de Buno Bonnevaux que l’équipage a pris la décision finale de se poser et d’arrêter les frais.

Le choix de Buno étant à proximité de Moret, des mauvaises langues côté Broussards auraient prétendu qu’il s’agissait d’un coup monté pour être hébergé chez le fils cadet. Manipulation ou pas, l’équipage à passé la nuit chez l’artiste.
C’est avec le vaillant petit piper de 1942 que Le père a été déposé le dimanche matin à Buno pour ensuite ramener le Robin à Moret , faire les pleins et embarquer les passagers pour Pouilly.

Dimanche matin, 8h30 pétantes, le Cessna se pose à Chateauneuf et l’opération de maintenance sur « Alpha Charlie » débute immédiatement dans la bonne humeur. A cet instant tout le monde pense qu’il s’agit du maître cylindre. Il est remplacé mais la fuite persiste.
Il s’agit en fait d’une coupe sous une bague de la tuyauterie. Impossible à traîter sur place. Pas question de poursuivre plus loin jusqu’à Pouilly.

Après une réparation de fortune digne des meilleurs épisodes de Mac Gyver, le Broussard vert kaki rentrera à Couhé directement accompagné du Cessna.

« Echo Novembre » quand à lui poursuivra sa route avec son équipage Lillois vers Pouilly.
Il sera rejoint à quelques minutes d’intervalle par Roméo Papa.
Il est autour de midi lorsqu’a finalement lieu la jonction avec le camion et le stand de l’association. Après seulement 4h00 sur place pour les équipages des avions, c’est l’heure de rentrer!

Le Robin et le Van prennent la direction de Couhé.
Le Broussard de Georges, remonte rapidement sur Lille avec un beau 40 kts de vent arrière. Et un lot de pièces récupèré à Pouilly. Finalement, la seule récompense de la capricieuse dame météo de ce week-end.
Week-end enrichissant à tous points de vue ou finalement l’objectif final ne s’est avèré qu’accessoire en comparaison de la richesse des rencontres et la belle cohésion des protagonistes.
L’humain a prévalu, c’est ainsi la beauté et la profondeur de l’aviation.

Sébastien Hugault


Louis Adrien SEMUR - 11 août 1907 - 12 juillet 1928

Louis-Adrien SEGURJe ne sais pas si ce gamin de 5 ans a assisté au 1er Meeting de Couhé Vérac le 15 Décembre 1912, mais la renommée de ces aviateurs, lui ont certainement donné l’envie de devenir pilote.

Le Meeting du 15 Décembre ne restera pas dans les annales mais l’aviateur LANDRY, très connu dans la Vienne, exécute malgré le mauvais temps, de superbes vols et est porté en triomphe par ses supporters.

Ce qui est sûr, c’est que quelques années plus tard, Louis Adrien SEMUR , né à Payré de Louis SEMUR et de Clémentine HUGAULT, demande une bourse de pilotage à l’armée. En effet l’armée recrutait des pilotes juste après la guerre car on avait pris conscience de la valeur stratégique de l’aviation. L’aviation bénéficiait d’un certain prestige et les cocardes sur les ailes alimentaient cet esprit bien français.

Louis Adrien (matricule 1126) obtint son brevet de pilote militaire en 1926 à l’âge de 18 ans. Il fait partie du 3ème régiment de Chasse basé à Chateauroux -La Martinerie. Il sera affecté plus tard au 22ème régiment aérien de Chartres-Champol. Il vole sur un Gourdou-Leseurre LGL 32 (LGL pour Loire-Gourdou- Leseurre).


C’est un chasseur de type monoplan dérivé du GL-31. Il fût construit pour participer à une compétition de l’Aéronautique militaire en 1923. Gourdou-Leseurre LGL.32

Le prototype vola en 1925 et en Janvier 1927 la première commande pour 20 machines de pré-séries fût obtenue. Il fût utilisé par l’Armée de l’Air comme chasseur jusqu’en 1934 et utilisé pour l’entraînement  de mécaniciens jusqu’en 1936. Le LGL-32 est un monoplan monoplace monomoteur, à aile parasol et train fixe construit en bois et métal entoilé. Il est équipé d’un moteur en étoile Gnome-Rhône Jupiter de 420 ch.

Description du LGL.32

Il possédait une bonne maniabilité et une vitesse ascensionnelle intéressante. Mais quelques défauts étaient problématiques, comme la fragilité des atterrisseurs à amortisseurs, une vitesse un peu juste et une certaine instabilité. Il fût construit à 479 exemplaires dont 384 pour l’Aéronautique Militaire française, 15 pour l’Aviation Maritime et le reste à l’exportation pour la Roumanie, l’Espagne et la Turquie.

Épave du LGL.32 de Louis-Adrien SEMURLe 12 Juillet 1928, le Sergent Louis Adrien se tua lors de manœuvres dans la région de Chartres, à bord de son LGL-32. Un monument lui est consacré au cimetière de Couhé. On peut y découvrir son portrait ainsi que son avion.







Il fait partie de ces très nombreux pilotes qui donnèrent leur vie pour  que l’aviation progresse dans ce que nous connaissons aujourd’hui et ouvrir  la voie à de nombreux pilotes dont certains descendent de la famille HUGAULT mère de Louis Adrien SEMUR.

Jean GARCIA

Couhé, Mai 2022

Détail du monument dédié à Louis-Adrien SEMURMonument dédié à Louis-Adrien SEMUR au cimetière de Couhé






Alain Girard en mode "Bush Repair"

Alain GIRARD en mode Bush Repair


Il est tôt ce 30 Avril, et le Broussard F.GJAC se dirige vers Niort pour des parachutages d’entraînement.

Tout « baigne dans l’huile » jusqu’à ce que l’approche de Poitiers nous dise ne pas recevoir notre transpondeur.

Pas idéal pour des largages à deux machines sur une même zone…

Avec ce soleil de face, mon atterrissage n’est pas parfait, la journée s’annonce mal…

Au parking, Alain fait le tour de l’appareil, le diagnostic tombe : l’antenne a disparu, victime d’un caillou ou d’un coup de balai maladroit…

-  C’est moins grave que je pensais, dit-il.

-  Je vais en fabriquer une autre, mieux encore, je vais prélever l’antenne inférieure de la VHF qui est inopérante et la mettre à la longueur requise.

Quelques palabres plus tard, avec le mécanicien du club, l’antenne est amputée à 50 mm de l’embase et connectée au transpondeur.

Au premier parachutage, Poitiers nous confirme que le transpondeur est OK.

J’aime cette aviation où l’humain est au centre de la sphère, où l’équipage est en mesure de peser sur le futur, à l’opposé du monde qu’on nous prépare.

Alain HUGAULT



François Susky, le pilote qui dessinait la Guyane

Un film de Bernard COLLET consacré au pilote de brousse François Susky.

L'authentique parcours d'un pilote de Broussard - Épisode 2

IV. Les parachutages

À côté de la base, en direction des abattoirs de Farcha, il y avait une unité para (une grosse compagnie) ; les personnels sautaient une fois par mois soit d'un Dakota de l'unité basée à Lamy, soit d'un Nord 2501 lors de son passage sur la base. Les cadres au nombre de trois (le patron un SLT, le second un Adjudant et un SGC), prenaient un Broussard pour sauter de 1500 ou 2000 mètres.

J'ai commencé les parachutages après 450 heures de vol sur l'avion, en avril 1962.

Un jour, le second me dit: « je vais te montrer quelque chose: après mon saut, tu descends en spirales et tu te poses court ». 

Nous sommes tous les deux à bord, montée à 2000 mètres, verticale la piste, préparation de l'avion et il saute : plein réduit, volets moteur et huile fermés, je commence la descente et là ... surprise, je le vois descendre en faisant des figures et évoluant autour du Broussard ! C'était la première fois que je voyais ça au plus près des évolutions !

 Je me pose court en appontant - c'est à dire roulette de queue la première - et, en 60 mètres, je suis à l'arrêt. Il se pose à côté de moi, change de parachute et monte, accompagné du sergent-chef.

 Je remonte à 2000 mètres et pendant la montée, il m'explique :

« Tu vas mettre le frein parking que tu n'oublieras pas de desserrer pour l'atterrissage; je monterai sur la roue en me tenant au hauban d'aile, le copain s’assiéra sur le rebord au dessus du marche-pied et, à mon top, nous partirons, ça doit passer »!

Même préparation, mais je mets 30 degrés de volets au lieu de 15 et c'est parti. Effectivement, ça passe et pendant la descente, ce sont deux paras qui évoluent l'un par rapport à l'autre autour de l’avion.

Quel spectacle vu du sol car l'Adjudant avait prévenu qu'ils allaient inaugurer quelque chose avec le Broussard ! Et là aussi, 20 ans plus tard en août 1981, il m'a été demandé de refaire ce type de parachutage, mais à tois paras au lieu de deux à la grande surprise du chef des OPS de Cognac.

Deux vols exceptionnels également : 04 heures 10 de vol en direct Lamy-Faya Largeau et une montée à 4250 mètres pour des photos verticale base à Cognac en juillet 1981.

Hommage

Avant de décrire deux autres missions particulières, je ne peux m'empêcher de citer Jean-Claude BROUILLET pour deux raisons :

1 – Je pense qu'il a été le précurseur et l'initiateur des vols en Afrique sur terrains sommaires.

2 – Il avait comme pilote dans son équipe, puis dans sa compagnie AIR GABON, celui avec lequel j'ai découvert et appris le début du pilotage à Aulnat Clermont-Ferrand sur Stampe SV4C en avril/mai 1957: Robert CHAVARY.

 

L'authentique parcours d'un pilote de Broussard - Épisode 1

Bernard TIFFANEAU lors de l'assemblée générale de l'ASABBernard TIFFANEAU, membre de notre association depuis 2015, est un ancien pilote de Broussard de l'Armée de l'Air. Face à la longue carrière qu'il a vécue au sein de la prestigieuse institution, nous lui avons demandé de nous raconter ses vols en Broussard. À la manière d'un feuilleton, l'ASAB publie cette longue et belle histoire. Voici les trois premiers chapitres de cette extraordinaire aventure ! 


« Tu dois avoir pas mal des choses à nous raconter, toi qui as un bon nombre d'heures de vol sur Broussard en Afrique ! » me dit Blaise un jour.

I. L’Afrique occidentale en 1959

Avant de décrire quelques missions, il faut resituer l'époque : en 1959, les états

d'AOF et AEF (Afrique Occidentale et Equatoriale Française), deviennent indépendants mais ce ne sont pas encore des républiques. Pour administrer les personnels des administrations publiques -militaires compris- la France crée deux zones : ZOM 1 pour l'AOF à Dakar, ZOM 2 pour l'AEF à Brazzaville ; et la même année, l'Armée de l'Air met sur pied les GAMOM (groupements Aériens Mixtes d'Outre-Mer), avec des Dassault et des Broussard : au Tchad, ce sera le GAMOM 85.

Quand j'arrive à Fort-Lamy le 14 février 1961 (j'en repartirai le 22 février 1964), c'est vraiment le début d'utilisation opérationnelle de l'avion -Algérie et Afrique- j'ai adoré cet appareil INCREVABLE, mais attention, il faut bien le connaître car, en pleine charge, par conditions météo changeantes s'il y a du relief, il devient pointu à piloter; en simplifiant : décollage et atterrissage 65 kts, croisière 100 kts, ce qui donne une marge de vitesse à utiliser très faible.

Personnellement, je crois pouvoir dire que j'ai bien connu cet avion !

II. du T6 au BROUSSARD

En fin de stage d'orientation transport à Avord sur MD 312, je suis affecté à Reims sur Nord 2501; mais apprenant qu'il y a une place pour le Tchad, je suis partant si le Commandant de l'école est d'accord. Il me reçoit, me fait un beau discours « On a besoin de pilotes sur Nord-vous allez partir pour au moins deux ans-que fera-t-on de vous à votre retour... bon, c'est votre choix et bien... allez-y ». En dehors de ce stage de six mois fin 1961, je viens de voler pendant deux ans et demi (1958/59 et début 1961) sur T6, soit 750 heures de vol (école de pilotage à Marrakech et à la suite en Algérie).

En arrivant à Fort-Lamy, pensant n'y trouver que des  Dassault, je découvre le Broussard que je ne connais pas, mais c'est un monomoteur comme le T6, équipé du même moteur moins puissant.

A l'unité, il y a un pilote sous-lieutenant G... (ancien sous-officier) moniteur à Salon-de-Provence, qui est responsable de la transfo sur Broussard, car c'est une règle au GAMOM: la première année uniquement du Broussard, ensuite, les deux types de Dassault et le Broussard.

Après quelques jours pour apprendre l'avion au moyen de la notice, par les mécanos, petit test écrit et....ce sont les premières heures de vol sur la bête !

Bernard TIFFANEAU devant le Broussard de l'ASAB

III. Les premiers vols en BROUSSARD

    Neuf heures suffisent pour le lâcher en tour de piste puis, le sous-lieutenant me dit :

    « Va donc te perfectionner en dehors de la zone d'aérodrome, mais tu montes à 1000 m. »

    O.K. ! Par rapport au T6, que peut-on faire? Vol horizontal, tout réduit, vario à zéro et vers 45kts, l'avion s'enfonce en basculant du nez vers l'avant; manettes plein avant, action sur la profondeur, le vol horizontal revient : résultat entre 20 et 30 mètres de perdus. Autre configuration : plein pot, inclinaison à 60 degrés ou presque et virage de 180 degrés à droite puis à gauche, l'avion tient bien ; une petite dernière non prévue par le constructeur (il y a seulement deux limites dont il faut tenir compte: pas plus de cinq minutes plein pot décollage et 165 kts en vitesse max), régime de croisière, semi-piqué environ à 60 degrés et, lorsque la vitesse approche 165 kts, cabré à 60 degrés, manettes plein avant et amorce d'une figure bâtarde, moitié renversement, moitié retournement ; le nez tombe, plein réduit, action lente sur la profondeur, le nez remonte doucement et on revient au régime de croisière. Je recommence de l'autre côté et... ça suffit, je reviens à la base.

    En dehors des missions programmées, nous avions chaque mois, une séance libre sur le Broussard. Personnellement, je reproduisais ces évolutions qui m'ont bien aidé au Tchad et en France, non pas en elles-mêmes, mais par le ressenti des réactions de l'avion ; emmenant un mécano, j'allais survoler la réserve en face de Lamy, l'autre côté du Chari ou bien je faisais des exercices de percée au radio-compas.

     

    La suite au prochain épisode !


    Un matin pas ordinaire...

    19 octobre 2014 : un matin pas ordinaire.

    L’aviation est avant tout une école de respect : vis à vis des lois de la nature qui perturbent nos vols, de nos avions que nous caressons discrètement en signe de confiance avant de s’installer à bord, mais aussi à l’égard de nos aïeux qui sont toujours auréolés de leur passé...

    Il y a quelque temps, je suis contacté par une famille qui souhaite offrir un vol en Broussard au père qui fut pilote sur cet avion.

    Quelques mails et péripéties plus tard, le rendez-vous se concrétise.

    Alain et Bernard dans le hangardArrive dans le hangar de Prin, de bonne heure, un fringant octogénaire, flanqué de son blouson de pilote d’époque, accompagné de son épouse. Echanges, préparatifs, Alain bougonne en injectant l’hydraulique dans le circuit des freins : le visiteur n’est pas en ancien de l’ALAT.

    Hangar de Prin








    1 720 heures sur la bête, au Tchad et ailleurs dans l’Armée de l’Air nous annonce-t-il…

    Installation, mise en route, je fais le décollage et cède les commandes : frétillements sur le siège de droite.

    Je me contente d’assurer la radio avec Poitiers : tour de la ville, Chauvigny, vallée de la Vienne et retour.

    Je suspecte un instant une panne de l’altimètre tant l’aiguille reste figée sur 500 mètres. Le pilote n’a rien perdu de la précision du geste.

    Les commandes restent à droite pour l’atterrissage qui est quasiment parfait.

    Photos, café et une grande tape dans mon dos : j’ai réellement fait un heureux ... déjà les SMS fusent vers la famille...

    Je ressens discrètement moi aussi un bonheur diffus.

    Je me dis que c’est une belle aviation que celle là…

    Alain et Bernard

    Bernard TIFFANEAU en bref :

    Premières promotions d’apprentis mécaniciens de l’Armée de l’Air,

    Ecole de pilotage sur T6 à Marrakech - envoyé directement  sur le théâtre algérien – 250 missions de guerre.

    Expériences multiples sur DASSAULT 312 311 315,  DAKOTA,

    Trois années au Tchad sur Broussard

    Fin de carrière en 1984 avec 6 000 heures sur ses carnets de vol.

    Rencontre fortuite, avec cet authentique pilote de Brousse, l’ASAB dans sa deuxième vocation : unir des hommes.

    Alain Hugault

    Lucien, paysan aviateur

    « La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce qu’elle nous résiste. L’homme se découvre quand il se mesure à l’obstacle. Mais pour l’atteindre il lui faut un outil. Il lui faut un rabot ou une charrue. Le paysan dans son labour, arrache peu à peu quelques secrets à la nature, et la vérité qu’il dégage est universelle. De même l’avion, l’outil des lignes aériennes, mêle l’homme à tous les vieux problèmes. » Antoine de St Exupéry

    Depuis plus de trente années j’ai ces premières lignes de « Terre des hommes » en mémoire ; mais si le métier de pilote m’a aidé à mieux comprendre le monde, je ne voyais pas cette attache mythique avec la terre et ceux qui la travaillent.

    L’ULM m’a apporté cette réponse un jour où je maraudais en quête d’une jachère près d’une maison dont je connaissais le propriétaire : un agriculteur, ancien pilote privé. Les démarches requises réalisées, je me posais régulièrement chez Lucien et Françoise Latreille où l’accueil était toujours chaleureux. Puis n’aimant pas voler seul, Lucien a fait avec moi de nombreuses virées alentours, cherchant de nouvelles surfaces où me poser. Je suis rappelais les règles de pilotage, il m’apprenait la terre, et j’avais bien plus à découvrir que lui.  La terre, il a coutume de la saisir à poignée, de la sentir, de la pétrir, la regarder et il pourrait en parler des heures durant… « Nous, les paysans, nous pouvons en une semaine changer la couleur de la campagne ! » a-t-il coutume de dire … Observez donc amis pilotes l’or soudain et éphémère des colzas en avril, celui des tournesols en Août, et la terre qui brunit aux labours de septembre … J’ai appris les modes de culture, les contraintes de l’outillage moderne, l’enfoncement probable de nos roues après le passage de tel ou tel matériel, ou dans telle ou telle culture… les ornières d’épandage…. Je me suis intéressé au travail des cultivateurs, et ils se sont habitués à voir notre TETRAS rôder au dessus de leurs têtes et beaucoup d’entre eux m’ont autorisé à me poser sur leurs terres.

    Depuis lors il m’arrive d’atterrir quand je reconnais leur tracteur ou leur moissonneuse et nous sommes les uns et les autres fiers de ces rencontres. Quand Lucien m’accompagne, il me sert de visa permanent, il connaît tout le monde alentours. De cette complicité, s’est forgée une grande amitié, la vie nous avait privé chacun d’un frère, peut-être sommes nous devenus mutuellement des frères de substitution ?

    Amitié bien nécessaire quand le mauvais sort s’acharne…

    L’ULM allait être encore l’outil pour sortir d’une année bien difficile…  Reprendre le pilotage ? Acheter une machine à plusieurs ? créer un terrain privé près de la maison ? Quand l’horizon est sombre, seuls les projets nous sortent des idées noires.

    Une année de patience, de réflexion, d’échafaudages, de discussions, puis de concrétisation. Le terrain voit le jour après de laborieux palabres avec le voisin pour échanger les parcelles. L’idée d’acheter finalement seul une machine fait son chemin. Je contactai Jacques Humbert cet artisan de génie qui fait des merveilles dans sa vallée des Vosges.

    Une moto du ciel carénée pouvait être remise à neuf… moral en hausse, visite chez Humbert aviation. Coup de foudre pour la machine et réelle sympathie entre les deux hommes. Juillet 2007 : c’est la sortie d’usine, Jacques Humbert sort discrètement la moto du hangar avec les précautions d’une mère qui présente son bébé à la famille ! Grande fierté pour le constructeur, grande émotion pour Lucien et nous mêmes.

    Le convoyage vers le Poitou occupe deux jours pleins. Un équipage tournant avec Bernard Gauthier dont le camping car assure la logistique. Fabuleux souvenir pour tous que ce long voyage et l’arrivée sur le terrain qui attendait depuis si longtemps. Mobilisation générale au village. Le voisin concèdera un taxi-way dans sa luzerne pour accéder à l’ancienne serre à tabac dont les cotes étaient miraculeusement les bonnes pour l’oiseau magique. Soudeur et mécanicien confectionnent un système de rail et de chariot pour l’accès de la machine en position transversale. Un travail de professionnels, si bien que Lucien manœuvre désormais son ULM sans le moindre effort…

    Tout l’été 2007 fut consacré à la formation et à l’automne, notre homme se posait seul sur sa piste dont la configuration en effraie plus d’un. Depuis lors, il guette les matinées de beau temps pour s’envoler aussitôt. Prenant assez vite de l’assurance, il fréquente désormais les pistes les plus tordues du canton et notre association lui a décerné officiellement le « label BROUSSE » : le célèbre logo de l’ASAB sur l’empennage … La Classe !

    Alors si dans le sud de la Vienne, vous entendez le son caractéristique de la moto du ciel, sachez que c’est probablement Lucien « le paysan aviateur » qui laboure le ciel…Maintenant à la retraite, il a simplement changé d’outil …  Il fait du St Exupéry sans le savoir…

    Alain Hugault

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